- CILICIE (ART DE)
- CILICIE (ART DE)CILICIE ART DELa Cilicie est une vaste plaine à l’est du Taurus qui eut une grande importance stratégique; cela lui a valu d’être, dès le \CILICIE (ART DE) IIe millénaire, le théâtre de nombreux affrontements. À partir du VIIIe siècle, elle constitua une région frontière entre Byzance et le monde musulman. Après l’offensive byzantine du Xe siècle, des Arméniens vinrent s’installer dans les territoires évacués par les musulmans. À la fin du XIe siècle, la Petite Arménie s’organise sous la dynastie des Roupéniens. Le royaume de Cilicie connaît son apogée aux XIIe et XIIIe siècles avec Léon II le Grand et la dynastie héthoumienne, puis en 1375 le pays est annexé par le sultan mamelouk du Caire. Au début du XVIe siècle, la Cilicie est intégrée à l’Empire ottoman.Au début de leur implantation, les Arméniens, qui espèrent rentrer dans la mère patrie, construisent peu de monuments. Quand ils n’utilisent pas les églises byzantines comme Sainte-Sophie de Tarse, ils les imitent: église Saint-Georges et Saint-Théodore à Anazarba, basilique à trois nefs de Korykos. Au XIIe siècle se répand un type d’église dérivant de la salle carrée couverte d’une coupole centrale (église Saint-Grégoire et Saint-Tigran à Onentch). Au XIIIe siècle, les églises sont dotées d’un transept, de coupoles et d’exèdres latérales. Les édifices sont souvent petits, de masse compacte, couverts d’un dôme pyramidal ou conique posé sur un tambour polygonal ou cylindrique; les côtés sont voûtés en berceau. La façade percée de baies (portes, fenêtres étroites et fentes triangulaires) et comportant des niches et des arcs aveugles avec colonnettes offre au décor un vaste champ. Aux motifs ornementaux d’origine étrangère comme le pampre et les rosettes vont s’ajouter des animaux et des personnages sculptés en méplat. Il existe deux types d’édifices civils dont les origines doivent être recherchées à Ani: les édifices de plan carré avec quatre piliers au centre et les édifices de plan cruciforme avec un éclairage central par le haut. Les palais sont caractérisés par des portails surmontés d’un arc brisé ou d’un arc en plein cintre, construits avec des pierres dont les couleurs forment des motifs géométriques; la voûte est assez fréquemment ornée de stalactites.Durant l’occupation arménienne de la Cilicie (1080-1375), on utilisa d’abord les défenses élevées par les Byzantins. Puis les Arméniens construisirent un certain nombre d’édifices. Les défenses de Korykos, qui comprennent un château de la terre relié par une digue au château de la mer, furent bâties à la fin du XIe siècle et au début du XIIe par les Roupéniens. Toprak Kala, qui commande le seuil de la plaine d’Issus, est, comme Yilan Kalesi, une œuvre arménienne du XIIe siècle.Des tissus, des céramiques et de très rares pièces d’orfèvrerie nous sont parvenus ainsi que des reliures en argent doré repoussé comme le manuscrit de 1285 conservé à Erivan, et des reliquaires en argent comme le célèbre triptyque de 1293. Sur les reliures et les reliquaires des XIIIe et XIVe siècles, l’iconographie et le style des figures font penser aux travaux sur métal et sur ivoire des Byzantins; cependant, si les modèles imités par les orfèvres locaux sont importés, les saints personnages, comme saint Grégoire et saint Vartan, sont arméniens.Marqués par l’influence sassanide, voire musulmane, les miniaturistes qui arrivent en Cilicie à la fin du XIe siècle ne semblent pas contaminés par l’art byzantin. Les premiers portraits sont plus stylisés qu’à Byzance, puis les motifs zoomorphes et phytomorphes évoquent les prototypes byzantins. La palette encore peu diversifiée se limite à un vert, à un rouge et à un bleu foncé, mais sous l’influence grecque les artistes emploient de nouveaux coloris: rose, lilas et jaune.L’école de Cilicie, dont la maturité se situe dans la seconde moitié du XIIe siècle, produit, dans le domaine de l’enluminure, un grand nombre d’œuvres intéressantes. Au XIIIe siècle les représentations figurées vont se multiplier dans les manuscrits; les évangiles seront, par exemple, illustrés de portraits des prophètes.Grâce au mécénat du catholicos Constantin et du souverain héthoumien, l’école de Cilicie connaît au XIIIe et au XIVe siècle l’apogée de son art. La composition des miniatures de cette période révèle un sens réel de l’observation comparable à celui des enlumineurs occidentaux.Nous connaissons trois artistes ciliciens du XIIe siècle, deux peintres anonymes: le Maître de l’évangile de la Freer Gallery of Art à Washington et celui de deux évangiles conservés à Jérusalem, et Thoros Roslin. Ce dernier, dont les enluminures sont très animées, fut le plus grand miniaturiste de Cilicie et le fondateur d’une école qui se distingue par son élégance.La miniature arménienne de Cilicie, qui connaît, certes, les traditions hellénistique, syriaque, byzantine et syro-palestiniennne, est caractérisée par les capitales zoomorphes et aussi par la place importante accordée au règne animal, et plus particulièrement aux oiseaux. Mais, au XIVe siècle, le réalisme perd de sa spontanéité et finit dans une aridité bien conventionnelle, tandis qu’un artiste de talent, Sarkis Pidzak, donne une nouvelle orientation à l’école de Cilicie. Dans la quinzaine d’œuvres que nous connaissons de lui, celui-ci marque sa préférence pour les motifs orientaux et les décors géométriques simples; Pidzak est le dernier représentant de l’art de Cilicie dans le domaine de l’enluminure.Après la disparition du royaume arménien, l’école de Cilicie survivra un certain temps dans les colonies arméniennes de Crimée, d’Italie, d’Irak et d’Arménie.
Encyclopédie Universelle. 2012.